.
Actualités
Rubriques

Vente

Emploi

Contact

 



Montre « sport » ou sport horloger ?
 
Le 13-12-2019
de Fondation de la Haute Horlogerie

Nombre de marques ont des modèles « sport ». Ce qui n’empêche pas de poser la question : avons-nous besoin de tels modèles ? Pour faire du sport ? Finalement, je n’en suis pas si sûr.

Les montres sport ont été inventées pour les plongeurs, les parachutistes et les pilotes. Les horlogers ont travaillé d’arrache-pied pour créer de nouveaux amortisseurs, des boîtiers étanches, des lunettes unidirectionnelles en réponse aux souhaits spécifiques de certains professionnels. Les explorateurs, accompagnés de leur montre, ont escaladé le mont Everest, plongé au fond des océans, marché sur la lune. Si bien que toutes ces inventions pratiques ont passé dans la normalité. La montre que l’on met aujourd’hui pour aller au cinéma est d’une telle fiabilité qu’elle dépasse tout ce que l’on pouvait attendre à l’époque d’un chronomètre de marine ou d’une montre de pilote de chasse.

Les chronographes ont été perfectionnés pour homologuer des records sur les circuits des 500 Miles d’Indianapolis ou des 24 Heures du Mans. Mais les chronométreurs actuels ne font plus confiance aux montres mécaniques actionnées par des humains. La mesure des records est confiée à des ordinateurs couplés avec des équipements optoélectroniques. On ne fait d’ailleurs plus de sport auto avec des montres mécaniques. « Je portais volontiers une montre en compétition, me confiait le champion de F1 Alain Prost. Mais j’ai vite arrêté depuis que le bracelet de ma montre s’est détaché en course sous l’effet des forces gravitationnelles. Je ne comprenais pas ce qui se passait. J’avais l’impression d’avoir quelque chose qui clochait avec ma main. Donc, plus de montres pendant les courses. »

« Sportivité » décorative

Sur les champs de polo, la Reverso Jaeger-LeCoultre est incontournable. Il n’y a pas d’autres modèles de montre dont le nom décrit aussi bien la fonction, celle consistant à retourner le boîtier pour en protéger le verre. Mais de nos jours et à quelques exceptions près, les Reverso ne sont plus considérées comme des « montres de polo », surtout si on parle des montres compliquées de la gamme. Les joueurs les affichent certes avec grand enthousiasme, mais à un moment donné le fait de monter à cheval avec une pièce qui vaut tous les prix à gagner en compétition ressemble à un sacrilège. Et que dire de la Reverso Tribute Duoface ? On peut bien retourner la boîte mais seulement pour se demander quel cadran briser aujourd’hui…

Les montres de plongée, autrefois des armes secrètes au poignet des unités de combat, sont aujourd’hui en vente libre. Pour ce qui est des plongeurs professionnels, ils leur préfèrent les mini-ordinateurs développés à leur intention, meilleurs gages de survie à leurs yeux qu’une montre mécanique. Quant aux barreurs de yacht, qui ont à disposition des chronographes de régate comme la fameuse Rolex Perpetual Yacht-Master II, ils en auront certainement l’usage, mais davantage pour louvoyer lors des soirées mondaines plutôt qu’au grand large. Richard Milles a bien persuadé Rafael Nadal de jouer montre au poignet, un garde-temps d’une valeur de l’ordre du million d’euros, mais c’est plutôt une exception. Je l’ai vu sur les courts de Roland-Garros avec sa superbe Tourbillon RM 27-03. Mais je n’ai pas eu la chance de le voir consulter sa montre avant de renvoyer la balle pour savoir s’il serait à l’heure pour le dîner.

De fait, la « sportivité » d’une montre est largement devenue décorative. Les créateurs soulignent d’ailleurs que nous avons devant nous une montre spéciale, plus massive, plus robuste, plus fiable, plus fonctionnelle. Mais il s’agit plus d’un bijou que d’un instrument, d’un jouet pour adulte, d’un objet de plaisir, adapté davantage aux joueurs de poker qu’aux lanceurs de poids. Les montres sport véhiculent désormais l’image du sport sans effort, du travail sans fatigue.

Les records horlogers tombent

Alors peut-être vaut-il mieux parler de « sport horloger » et de ses propres records ? Les champions sont déjà là. Bulgari vient de remporter son cinquième record du monde dans l’extra-plat. Avant l’Octo Finissimo Chronograph Automatic GMT, la Maison a déjà produit la montre automatique, le tourbillon à remontage manuel comme automatique et la répétition minutes les plus fines du monde. Omega vient de battre le record mondial de plongée en envoyant sa montre à 10’928 mètres de profondeur. Précisons toutefois que la Seamaster Planet Ocean Ultra Deep Professional était arrimée à un submersible en plongée dans la fosse des Mariannes, là où aucun humain ne peut survivre. C’est donc bien de record horloger qu’il s’agit.

De son côté, Zenith promet bientôt un chronographe mécanique capable de mesurer le millième de seconde. Un exploit tout à fait à portée, vu qu’il a déjà été réalisé par les horlogers de LVMH, dont la Maison fait partie. On se souvient en effet du chronographe TAG Heuer Mikrotimer Flying 1000, élue « montre sport de l’année » au Grand Prix de l’Horlogerie de Genève 2011. Mais ce mécanisme, qui évolue à une vitesse phénoménale, pose beaucoup plus de problèmes à l’horloger qu’il n’en résout. Cette montre, qui relève davantage de l’exception que de la règle, n’en représente pas moins un nouveau record. Son utilité dans la vie quotidienne, hors coureurs de 100 mètres ?

 



Copyright © 2001 - 2024 Inter Group News All Rights Reserved